Peintures en appartement les 6, 7 et 8 mai 2022


6, 7 et 8 mai 2022

Un parcours artistique croisant artistes peintres, sculpteur, musicien(ne), poète, danseuse et comédienne a été organisé dans quatre lieux : maison, appartements et jardins à Besançon et Velesmes-Essarts.

Dans chaque lieu :

  •  un(e) artiste qui échange et partage sa démarche artistique.
  •  un « temps fort » où lectures, musique, danse, poésie, comédie dialoguent en écho avec les œuvres exposées.

Judith et François Migeot ont exposé sculptures et pastels de Jérôme Festy « du Pastel à la Pierre ». René Lagos Diaz et sa guitare ont accompagné la lecture des poèmes de François Migeot le vendredi 6 mai à 18h.

Poème de François Migeot (extrait) lu par le poète

Mer

Rien ne tient pas de forme
rien ne tient pas de forme

                                    rien ne tient pas de forme
                                    rien ne tient pas de forme
la mer ne lâche pas le dedans le dehors

                                    langue molle sous les mots
langue close sur les morts
                                    ligne de fuite dans les corps
delta ouvert au fond de l’œil
                                    la mer boit la mémoire
c’est elle qui monte et descend nos visages à la hampe des nuits
                                    qui relève le sel du jour au creux des rides
nous roule dans ses draps de salive où nos mots perdent pied
                                    coupure lente infinie déchirure  qui bat dans le sang
dans la trame du rêve
                                    chuintement d’étrave dans les chairs
craquement dans la coque du présent
                                    du lieu qui sombre
est-ce là que descendent les jours
                                    que tombent les visages froissés par la nuit
au fond percé de ses mains ?
                                    est-ce de tant de faces perdues que s’enflent ses vagues
de tant de doigts tendus
                                    de tant de traits gommés
de tant de corps défaits au jour le jour qu’elle agite le sien ?   

[…]

Chant des poussières, L’Atelier du Grand Tétras, 2010.

En savoir plus sur les artistes

Jacqueline Pauthier a accueilli des « Alliés substantiels », notamment les peintures de Myriam Drizard ; Blanche Giraud-Beauregardt, comédienne, nous a fait partager les textes de Jacques Ancet, René Char, Emily Dickinson, Laurent Fourcaut, François Migeot, , Mira Wladir.

 Jacques Moulin a présenté poétiquement le cheminement de l’installation, le samedi 7 mai à 11h30.

Poème de Jacques Moulin, lu par le poète

Elle habite dans toute la plénitude du terme son appartement. Elle est habitée par l’espace qu’elle habite. Cet espace est à la fois sa demeure son jardin sur cour – végétaux aux fenêtres composent avec petites sculptures extérieures – et sa galerie personnelle. L’art – beaucoup de peinture la peinture l’habite elle habite chez La Peinture – l’art frappe à tous les murs s’accroche à toute cloison prend ses aises jusqu’au lieu le plus intime. Sort entre saute par-delà les fenêtres revient en couloir se cale au boudoir.

Jacqueline Pauthier est la Dame des lieux. La Dame sur cour avec deux volées d’escaliers menant jusqu’à elle. Jusqu’à son cabinet des curiosités. La lumière est celle du quotidien des jours. Ni rampe de spots ni cimaise ni prédelle. On est chez elle. C’est ici que l’art a son logis.

Aujourd’hui elle reçoit Myriam Drizard. Jacqueline & Myriam sont des noms qui vont très bien ensemble … très bien ensemble. Elle offre un temps de peinture en appartement. Une exposition s’installe au salon en salle à manger en cuisine. Partout. Myriam est son hôtesse. Myriam est chez elle. Myriam vit ici depuis toujours. Jacqueline habite chaque peinture de Myriam. L’appartement comme un atelier. Un atelier de curiosités.

Elle reçoit Myriam depuis longtemps. Ça a mûri en elle. L’effervescence qui anime ses yeux et son pas donne à voir les œuvres de Myriam avant même qu’elles y soient. Jacqueline fait de grands gestes habités. Les toiles s’envolent et se déposent. On déambule et l’on voit l’avant-voir. On fait visite des lieux et on voit la peinture présente dans le temps même de son absence. On voit tout. La Dame des lieux habite toutes les peintures à venir. Elles sont déjà là : le renard les oiseaux la truite la forêt la nature – la nature oui mais le poulet aussi madame et tout autre chose.

Tout est bien en place ce jour. La déambulation c’est pour de bon. On va à la rencontre de la peinture. Chaque étape est un passage. Ça commence par la sortie. On verra plus tard pour l’embarquement vers le dehors. Le retour à la vie des jours tranquilles ou chahutés. La vie à coup sûr augmentée par le geste de peindre.

Pour l’instant on débarque dans la pièce centrale. Une entrée en clairière. Le pas foule le bois. Le bois nous attend depuis qu’on a poussé la porte. On est de plain-pied dans la forêt. La clairière. La forêt. Le bois des livres. La forêt séparée endommagée réparée respirée – l’arbre dans tous ses états jusqu’au possible chemin de croix. L’arbre nous tend ses branches. On s’ente à son tronc. On danse à ses pieds sous la tension des volumes et des couleurs. On touche du regard l’écorce. On sent la puissance et la souffrance. Les boursoufflures nous conduisent au bouquet. On touche au ciel. Encore un pas de danse. On rejoint l’ange.

Dans la pièce suivante – la salle à manger – il y a à voir et à dévorer. Il faut avoir le cœur animal. Le sens du sauvage de la meute et de la bataille d’être. Il faut se dilater prendre l’eau et la pierre. Glaner quelques herbes. Entrer en paysage écouter le silence. Composer avec la quiétude et le tragique. On peut aussi s’attabler s’attarder aux reliefs ouvrir des carnets comme on gratte dans des fonds de cartons. Comme on cueille du croquis de l’esquisse. Comme on touche une fulgurance. Comme on bave avec les couleurs jusqu’à la dilution.

On passe à l’alcôve. C’est collection privée. Jacqueline a concentré là comme le dialogue de Myriam avec les Maîtres. Chapeau bas on écoute le pinceau. On suit sa transe.

Il faut bien être dans cet état pour entrer en cuisine. Là la peinture est au croc. Ça croche ça s’accroche – on s’accroche. Ça sent le gibet la vanité le papier de boucher. Ça saigne un sang noir qui endeuille les chairs. On s’assure de la peau lisse de notre cou et de l’exil des renards. Cinq poulets se balancent tête en bas. On baisse les yeux. On croise une truite. De l’eau s’écoule. Des matières fécondent. Deux oiseaux s’envolent.

On passe dans la pièce ultime – le cabinet qui n’est pas que de curiosités. Diane s’y repose dans un paysage plein d’aisance. On va au bain. Tout baigne. Le paysage est tranquille coloré apaisé. Les arbres goûtent aux nuages.

À Jacqueline & à Myriam

Poème de Mira WLADIR lu par Blanche Giraud-Beauregardt

Des broussailles
ou leur simulacre peut être
dans l’ombre d’un bahut

ou le fouillis renversé
d’un lit

des broussailles
ou alors la brousse
quand on sort soudain

une porte
doucement

debout on marche
ça brûle quelque part dans les pieds
ou alors les chevilles

ou les poignets peut être
ça brûle là

on avance
comme on goûte du vert
et la cassure aigue du gravier

il nous reste les arbres
il nous reste toujours les arbres
c’est la promesse du jardin

L’exil des renards, Empreintes, 2011

Poème de Laurent Fourcaut lu par Blanche Giraud-Beauregardt

Labyrinthe

« Quelle vanité que la peinture » et pourtant
quoi de plus radicalement indispensable ?
dans la matière d’une pâte un palpitant
désir de prendre forme au creux du périssable

Les chasseurs dans la neige avec au loin l’étang
gelé marchent pour n’être pas bus par le sable
blanc d’où ces traces rouges d’un sang qui s’étend
capillarité rhizome en l’air insatiable

C’est le même fouillis que l’intenable vrai
mais de cette matière ne vous sèvrerait
nulle mère vous conservez l’initiative

de la perte ayant façonné ex nihilo
le labyrinthe convoité où tout vous prive
vous comble à l’aide de la brosse ou du stylo
[…]

Dedans Dehors, Tarabuste, 2021

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Claudine Jouvenot a livré au jardin les œuvres peintes de Jean Luc Dufay, « Au jardin, les toiles ». Musiciens et poètes nous ont fait voyager dans l’imaginaire, le samedi 7 mai à 18h.  Pierre Hartman et sa contrebasse,  Madie Boucon, danseuse accompagnée de Julien Prêtre au saxophone,  chants yiddish interprétés par Nathalie Weschler accompagnée au violoncelle par Anais Bodart, lecture de Michèle Lesbre, « je me souviens » de Bernard Kudlak, « le bateau ivre de Rimbaud » interprété par Soraya Kudlak.

Francine Magnin et Serge Morand ont présenté les œuvres d’Elisabeth Bard, « Où commence l’Amazonie ». Avec Catherine Lanoir, danseuse, elles ont été partenaires dans l’espace pour une performance, le dimanche 8 mai à 17h.

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